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Writing

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Il faut toujours une séparation d'avec les autres gens

autour de la personne qui écrit les livres. 

M. Duras. 

Chroniques des Confins (2020)
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"QUARANTE JOURS ET NUITS"

Alex. C

« C'est pourquoi voici, je veux l'attirer
et la conduire au désert,
et je parlerai à son cœur »

Livre d’Osée, VIIIème s. avant n.e.

 

 

Un peu avant.

 

Et je saurais quelques jours plus tard que cette photo cachait une révolte stupide et une envie plutôt franche tuée par le cours des événements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jour 1. Mardi 17 Mars 2020

(Matin)

Dans deux p’tites heures, le désert humain ouvre ses portes.

Je sens ça d’ici : nous éprouverons que l’angoisse est haute
et nous saurons que sa tuyauterie est un passage.

(Soir)

…et moi aussi (comme tout le monde) :
il me faudra assez rapidement
changer intérieurement de dimensions
pour me laisser aborder
par les avances de ce qui nous arrive.

 

Il y a dans les événements, une séduction de fond.
Un soir passé à la fenêtre, c’est très séduisant.

- Jour 2 - 

 

« Tentative d’épuisement d’un lieu parisien ».

 

J’ai enfin compris ce matin le sens profond du titre de ce petit essai d’anthropologie urbaine. G. Pérec voulait tout écrire en 1974 sur cette terrasse du Café de la Mairie devant le royaume agité de la Place Saint Sulpice. Il a jeté sur le papier le déversement automate de la vie moderne sur la table luxueuse du Quartier latin. Mais, ce matin, Paris est laissé vide et les gens épuisés sont restés chez eux, c’est-à-dire en réalité très loin de la ville. Un appartement, je me demande, si c’est dans la ville ou pas. A la rigueur, un balcon.

 

 

- Jour 3 - 

« …et si la force des choses ne l’avait mêlé à tout ce qu’il prétend relater ».

 

Quel idiot coriace je fais et c’est comme de l’occupation réellement masochiste mais ça ne pouvait plus attendre : je me suis mis à relire La Peste de Camus, une sorte de cinquième évangile du tragique humain. Je veux aller lire dedans comment le cœur des hommes s’y prend avec cette livrée brutale de destin.

 

Jour 4

 

Le poète dit seulement dans un système brusque d’aveux que le cœur d'un homme a parfois besoin d'une sorte d'aide extraordinaire, qu'il ne saurait prévoir.

Me reverser ce soir l’amertume pétillante d’un nouveau verre de Pas-Du-Tout-Prévu.

 

 

Jour 5

 

L’abeille du matin

S’est endormi

Sur l’épaule de la ville

 

Et entre nous,

Disait-elle

mieux vaut

Que ça ne se sache pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Jour 6 -

 

 

 

 

Homme invisible

Parait que le confinement des corps augmente les dons d’ubiquité de l’âme.

Une bonne psychanalyse offrirait de déchiffrer les coordonnées secrètes de son existence et dans quel espace du temps la psyché s’est encore retrouvée coincée hier soir.

Matisse, entre Jaune et Bleu avouait pour sa part qu’il s’était « cherché partout ».

J’essaierai demain de perdre mieux ma trace entre la cuisine et l’atelier.

- Jour 7 - 

Plutôt... l'implicite, le dessous des cartes, le fond des choses, le voilé, le mis au secret, le trop-lent, l'à-peine, le peu-crédible, le suspens qu'il y a dans tout amour, le très-passif, l'invérifiable, le fond de bouteille, le quasiment-impossible, le rythme d'une bougie, l'enseveli aussi, le manque d'éclat, le mystérieux, celui qui n'en dit rien, le non-dit, l'occulté, le poème quoi !

 

- Jour 8 - 

 

Comme un jeune taureau de Camargue qu’une mouche à piquer au museau
ma nervosité me charge en permanence à l’endroit où je n’ai pas d’estime.

 

*

 

A situation inédite, émotions inédites.

En effet, mon cœur me reste une belle inconnue.

Je vais essayer de ne pas répondre tout de suite aux événements.

Ça serait encore une fois se durcir, se braquer, faire semblant de tenir le coup.

 

Les événements ont peut-être besoin de quelques chairs suffisamment disponibles où ils puissent semer leur question. Je suis comme un carnet de feuilles blanches sur lequel le réel peut y aller franchement. Etty Hillesum a dit quelque chose comme ça. Mais je ne retrouve pas la référence. Je n’ai pas encore de retrouver la référence. De tête, mon cœur était devenu volontairement le champ de bataille de cette époque. (et j’apprendrais aussi à mes enfants que le bonheur, c’est quand la joie vient jouer dans le jardin de la peur).

 

- Jour 9 -

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Jour 10 -

Ouvre un peu les veines de l'avenir
Trie aussi les sensations du fléau
Comme cet ange agacé butinait à mon sommeil
Un fruit de rêve non-révé…

 

*

 

Mes sentiments ont encore grossi cette nuit.
Et je n’ai pas assez de mots pour leur donner le change.
Je desarticule sur les petits papiers du silence
une âme bizarre qui trépigne.

 

- Jour 11- 

Tu sais, j’ai encore failli t’aimer sur un coup de tête.
Promis, tu n’en sauras rien quand tu me fais tomber.

 

 

 *

 

Une soirée un peu trop difficile.

Quand je ne sais plus quoi écrire, et puisque le cœur parle un dialecte chiffré, je recommence à m’aventurer dans les marais anglais du langage.

And tonight
Like you
I’m just a playful scare
Lost and Found
in the Isolated System

 

 

 

.......... 

 

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Chronique des confins
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